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Les plages sont interchangeables, la culture pas"

Entretien avec Abderrafie Zouitene, directeur général de l’Office national marocain du Tourisme, président de la Fondation Esprit de Fès et du Festival de Fès des musiques sacrées du monde.

 

 


Abderrafie Zouitene, président de la Fondation Esprit de Fès

 


Pour la deuxième session du Festival de Fès des musiques sacrées du monde qu’il préside à la tête de la Fondation esprit de Fès, organisatrice de l’évènement, Abderrafie Zouiten, marque une rupture en positionnant "Fès au miroir de l’Afrique" sans pour autant effacer sa tradition soufie. Il revient sur cette nouvelle orientation et sur son rapport à la culture et au tourisme.

Jeune Afrique : Le Maroc est dans un incroyable bouillonnement culturel et opère une montée en gamme notable en matière de tourisme...
Abderrafie Zouiten : Le patrimoine marocain est d’une richesse incroyable et cette nouvelle stratégie de valorisation est soutenue fortement par son Altesse royale. La liste n’est pas exhaustive mais on peut citer la restauration de Marrakech et de Tanger, l’évènement "Rabat, ville lumière", avec le concours de l’architecte Zaha Hadid, tandis qu’à Fès un programme de préservation de 27 monuments a été lancé.

Cela exige une mobilisation de fonds importants, dont un milliard de dollars pour Rabat. Mais bien avant les touristes, la culture est d’abord fondamentale pour nos compatriotes : elle crée du lien et conforte l’ouverture et l’esprit de tolérance. C’est un autre échange de richesses car finalement un pays sans culture est un pays mort. D’ailleurs les plus grandes destinations touristiques ne sont pas balnéaires mais bien culturelles comme Florence, Londres, Paris, New York. Les plages sont interchangeables, la culture pas.

Vous avez revu tout le fonctionnement du festival de Fès, vos objectifs ont-ils été atteints?
Nous avons travaillé avec une équipe réduite, mais en synergie, pour créer cette magie formidable. Avec son passé andalou, l'histoire de Fès avec l’Afrique est belle, empruntant les chemins commerciaux pour en faire des voies de diffusion spirituelle. Personnellement j’ai découvert que mon grand père s’était rendu à Saint Louis au Sénégal, alors "Fès au miroir de l’Afrique" est un thème qui s’est imposé comme allant de soi. Hassan al-Wazzan, dit Léon l’Africain et la figure de Sidi Ahmed al-Tijani, saint patron de la ville et fondateur de la confrérie tîjâniyya, témoignent d’un travail de transmission et lui donnent tout son sens. Aujourd’hui la tîjâniyya compte plus de 300 millions d’adeptes à travers le monde, c’est dire l’influence partie de Fès.

Il a fallu mobiliser de nombreuses ressources pour illustrer ce rayonnement...
Effectivement nous avons eu recours à de nouvelles technologies coûteuses comme l’effet mapping, qui est une projection d’images sur des surfaces en relief. Nous nous sommes assurés de la participation de groupes et de vedettes de renom comme Saïd Taghmaoui. Il campe Léon l’Africain dans le spectacle d’ouverture, qui est une succession de tableaux pour créer une osmose reflétant cette singularité de Fès avec l’Afrique. Le reste de la programmation, pour un coût global de 15 millions de dirhams, est un équilibre entre les différents patrimoines musicaux du monde.

Ce type d’évènement donne-t-il une nouvelle visibilité au Maroc ?
Il implique déjà une communication différente. Cette année le festival, avant son lancement, a été présenté au Brighton Museum à Londres, au Sénat à Paris et à Barcelone. Une tournée de sensibilisation pour inscire Fès dans la trajectoire internationale des festivals marocains comme Mawazine, Essaouira, Kelaa Tibouna ou encore Timitar.

L’ouverture socio-économique sur l’Afrique est-elle une réalité marocaine ?
D’abord la compréhension est mutuelle. Nous avons des problématiques communes et entretenons un dialogue en toute égalité selon l’approche impulsée par sa Majesté le Roi Mohammed VI. C’est dans ce sens que le Maroc a contribué, entre autres, à la mise en place d’hôpitaux, fait don de barques de pêche mais surtout régularisé la situation de plus de 20 000 ressortissants subsahariens. C’est un début pour donner des opportunités à la jeunesse africaine et préparer un avenir économique commun.


Propos recueillis à Fès, par Frida Dahmani

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